lundi 12 mai 2014

"La pluie d'été" de Marguerite Duras

C'est un livre déroutant comme on les aime. Une impression forte de décalage s'en dégage dès les premières pages. Je me sentais dans un écho à La vie devant soi d'Émile Ajar. Et puis - c'est le moment de ma lecture qui a déterminé cela - les mots se sont peu à peu détachés et ont pris du relief dans ma bouche car j'ai enfin pris le temps de les lire à haute voix dans ma tête. Il n'y a qu'un moyen de saisir la subtilité de l'écriture de Marguerite Duras, dans les interstices du parler populaire de cette famille d'immigrés slaves dans les environs de Vitry, aux abords d'une vieille autoroute, et c'est celui-là. Les paroles des personnages, mis en page la plupart du temps comme dans un texte de théâtre, sont en apparence maladroites, mal dégrossies et même à la limite de l'incohérence. De même on ne comprend pas dans un premier temps le comportement de l'instituteur, béat devant cet enfant de 10 ans qu'est Ernesto et qui refuse de retourner à l'école car il ne souhaite pas qu'on lui apprenne ce qu'il ne sait pas. Mais le vrai mystère ne réside pas là:  Ernesto n'aurait pas 10 ans et loin d'être un enfant déscolarisé, il serait un petit génie des connaissances, un tel prodige qu'il en attire les journalistes (la caricature de celui du "Fi-Fi littéraire" est savoureuse). Sa famille, son père, sa mère, "ses brothers et ses sisters" et tout particulièrement sa sœur Jeanne - où la fusion ira jusqu'à l'inceste - l'aiment si fort qu'ils redoutent le moment où il devra les quitter. L'étrangeté se transforme alors en attachement.




Editeur : Folio
Date de parution : 15 mars 1994
EAN : 9782070387052
Prix TTC : 6,20 euros (format poche)

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