mercredi 23 mars 2016

"Le soleil des Scorta" de Laurent Gaudé



Les journées passées au Salon du Livre m'ont offert, outre des rencontres professionnelles et amicales fort appréciables, de lire un livre de bout en bout en quelques jours : miracle ! Après cinq ou six livres commencés et non terminés, je commençais à perdre le fil.

C'est "Le soleil des Scorta" de Laurent Gaudé qui a attiré mon attention parmi les ouvrages disposés sur les immenses tables de livres du stand Actes Sud lorsque venu le soir du premier jour du Salon qui me suis retrouvée dépourvue de livre pour accompagner le trajet d'une heure qui m'attendait. J'avais un souvenir vif de "Pour seul cortège" lu quelques années plus tôt. J'achetais donc sans hésiter ce roman qui a obtenu le Prix Goncourt en 2004. Les Scorta sont une famille du Sud de l'Italie, dont l'histoire a commencé il y a bien longtemps dans un petit village côtier, à la rancune tenace, aux instincts sauvages et à la piété païenne. Le premier Scorta, né d'un ex-taulard et de la sœur, vieille fille, d'Immodonia, femme dont il s'était amouraché vingt ans plus tôt, avant son séjour en prison, a bien mal commencé dans la vie. Cette haine tenace qu'il a nourri à l'encontre du village a poursuivi Montepuccio pour s'apaiser le jour où Scorta, de retour au village, en chair et en os, se transforme en gentilhomme fréquentable. Les habitants ressentiront bientôt à son égard un certain respect teinté de terreur, l'homme étant un malfrat de grand chemin. Scorta, capable de toutes les extrémités dont font preuve les héros, va mourrir dans un geste aussi fort et fulgurant que tous les coups d'éclat auxquels il a habitué le village : d'un instant à l'autre, le temps que la rumeur parcoure le village, il va s'effondrer et léguer toute la fortune qu'il a amassé à l'Église, dépouillant de ce fait ses trois enfants et sa femme, réduits à la plus stricte pauvreté après avoir connu une aisance plus que correcte pour la région. La rancune tenace du premier Scorta se transmet ainsi à sa descendance, dans un mélange d'incompréhension et de fierté.

Cette saga familiale nous fait traverser les décennies, nous fait voyager d'un continent à l'autre, épousant les chemins et la temporalité d'une Italie paysanne transformée peu à peu en station balnéaire. C'est un roman poignant, d'une grande sincérité. Il ne sépare pas ce qui est bien de ce qui est mal, ne commente pas les choix, plus d'une fois étonnant, des membres de cette famille. Il les observe, les suit, les chérit, s'inquiète de leur bonheur, nous parle de leur fierté et du soleil qui rythme leur vie. J'en garde un souvenir éclatant.



Editeur : Actes Sud
Date de parution : 1er août 2004
EAN papier : 9782742751419 - Prix TTC : 19,30 euros

samedi 5 mars 2016

"Les enfants qui mentent n'iront pas au paradis" de Nicolas Rey



Le dernier livre de Nicolas Rey, fraîchement paru, ne déroge pas à la règle de l'auteur : un mélange d'autofiction, d'autodérision, de trash comique, de romantisme pathétique et de critique blasée. Le personnage principal des Enfants qui mentent n'iront pas au paradis, avatar de l'écrivain, traîne sa misère sentimentale après s'être fait larguer sans ménagement par Justine. Il tombe au hasard de la garde partagée de son fils sur son institutrice. Il s'éprend d'elle. Et c'est l'addiction, le délire amoureux, les jeux sexuels loufoques, les activités nocturnes incongrues (livraison de déguisements pour adultes lui-même habillé en Buzz l'éclair). Petite poussière dans l'engrenage amoureux : elle est membre du Parti National. Il se dit qu’il doit s'en séparer, c’est quand même contraire à ses valeurs. Le lecteur se demande alors si, comme dans Soumission de Michel Houellebecq, notre gentil paumé cédera par petites lâchetés successives aux attraits, cette fois-ci d'autant plus charmants qu'ils relèvent de l'intime amoureux, d'un mouvement réactionnaire. Car cette femme lui a bel et bien redonné le goût à la vie. Mais Nicolas Rey ne cède ni au Parti National ni à l'évidence de l'intellectuel de gauche bien pensant qui quitterait Catherine sans délai. Il fait le pari de l’amour et de la confiance. Et vous, qu’en pensez-vous ?


Editeur : Au Diable Vauvert
Date de parution : 14 janvier 2016
EAN papier : 9782916207650 - Prix TTC : 14,50 euros