mardi 18 avril 2017

"Profession du père" de Sorj Chalandon



Depuis ma lecture il y a quelques années du Quatrième Mur, l'histoire d'une mise en scène d’Antigone de Jean Anouilh dans un Liban en guerre, Sorj Chalandon fait partie des auteurs contemporains que j’essaye de suivre. J'avais aimé sa voix intérieure, les sentiments sincères, de l'enthousiasme aux doutes, la profonde attention aux autres, le regard. J'avais acheté Profession du père avec l'envie de retrouver tout cela. Je n'ai pas été déçue !

Je ne saurais dire si le personnage d'Émile est un double de Sorj, que sa profession - devenu adulte - pourrait être un double de la profession d'écrivain - un restaurateur de tableau n'est-il pas également un révélateur de beauté ? Quoi qu'il en soit l'auteur de ce roman se glisse parfaitement dans la peau de son personnage et nous l'accompagnons de ses 13 ans à l'âge adulte, celui où l'on arrive à se détacher du père. Car Émile admire son père, l'écoute avidement bien que ce dernier le frappe, le sermone, le bride, l'éduque à la dure. Pour se faire aimer de son père, il l'accompagnera dans ses plans élaborés, dans ses fanfaronnades, et découvrira peu à peu le pouvoir de l'imaginaire. Il le testera lui-même sur un de ses camarades : à ce moment-là, il ne subit plus tout à fait autant les délires de son père - qui a sauvé la terre entière, a été pasteur et aussi parachutiste et aussi judoka - car il va se mettre à mener son camarade par le bout du nez en lui racontant des mensonges de plus en plus fous. Dans tout ça, sa mère n'est que l'ombre d'elle-même, une femme de devoir craignant les colères de son mari et dont les gestes ou les paroles de résistance se comptent sur les doigts d'une main. "Tu connais ton père" répète-y-elle inlassablement.

Au final, de son enfance bridée, l'imagination sera son trésor de guerre, la richesse qui lui permettra de s'en sortir, de se détacher de ce père démesuré en tout point, grand acteur mais croyant lui même à ses délires. L'enfant devenu adulte s'est apaisé et regarde avec une douce tristesse ses parents et la folie enfin déclarée.



Editeur : Editions Grasset
Date de parution : 19/08/2015
EAN papier : 9782246857136 - Prix TTC : 16 euros
316 pages


Pour mémoire, ma critique du Quatrième mur

dimanche 2 avril 2017

"Les cahiers d'Esther" de Riad Sattouf


Après la lecture de la première partie de l'enfance dessinée de Riad Sattouf, j’ai parcouru les dessins des Cahiers d’Esther, autre personnage dont le jeune âge donne un point de vue sur les choses que l’on a, en grandissant, oublié : si notre âge dépasse de loin 8 ou 9 ans, si un enfant de cet âge-là n’évolue pas dans notre entourage, ou si, même si nous en fréquentons un, nous n’arrivons pas à nous mettre à sa place et à voir à travers ses yeux, il est intéressant de nous plonger dans la lecture de cette bande dessinée.

Riad Sattouf a su garder sa part d’enfance et nous fait pénétrer dans ce monde étrange de la préadolescence, « ouech ». Les premières pages font tout drôle au point où j’ai été tentée d’abandonner leur lecture. Et puis, petit à petit, je me suis plongée dans l'univers d’Esther et j’ai redécouvert le monde des préados, leur langage et leur manière de voir le monde. Sachez que son père est un héros, que son frère est un raté, que les garçons sont parfois trop beaux ou parfois des salauds, qu’avoir un iPhone est le top du cool et qu’elle s'est déjà mariée plusieurs fois avec des garçons dans la cours de l’école. Et ce n’est qu’un maigre échantillon des petits moments de vie partagés par le dessinateur !

Plongeant dans ma mémoire, j’ai finit par me reconnaître dans le récit de la folle envie puis du rejet total d’un manteau à fleurs : Esther le désire ardemment, l’obtient pour son anniversaire, le met à l’école, reçoit une remarque acerbe de la part d’un grand de l’école et finit par le jeter par la fenêtre de sa chambre pour qu’un passant s’en empare et l’éloigne au plus vite d’elle. Elle voulait à tout prix éteindre la brûlure qu’elle a ressenti l’après-midi même lorsque la remarque l’a touchée de plein fouet. Souvenez-vous en effet des vêtements adorés un jour et rejetés le lendemain, de notre hyper sensibilité aux remarques de nos chers camarades. Vrai ?

Du point de vue de la forme, nous ne sommes pas dans un roman graphique comme dans L’Arabe du futur, mais plutôt dans des saynètes d'une page qui dessinent par petites touches un monde étranger à votre porte : (re)plongez-y ! 

PS : que les ados ou ceux qui fréquentent les ados aient pitié de ma chronique :-)



Editeur : Allary Editions
Date de parution : 21/01/2016
EAN papier : 9782370730848 - Prix TTC : 16,90 euros
56 pages

"Dossier Kastor" de Catherine Fradier


Outre une flopée de rendez-vous éditeur qui, je l’espère, déboucheront sur de beaux partenariats, mon passage au salon Livre Paris m’a apporté une belle moisson de livres généreusement offerts par la maison Au diable vauvert. Parmi eux, le Dossier Kastor du nom de code donné par les services secrets français à Lauren Valence, nouvelle Commissaire du Service Européen d'Action Extérieure, police parallèle chargée de la sécurité européenne.

Venue de la société civile, Lauren peine à s’adapter aux us et coutumes de l’administration européenne. Elle s’imagine pouvoir avoir un impact sur les événements, veut faire bouger les lignes. Mais les pressions de toutes parts, tant de la part des autres services européens, que du FBI, des lobbyistes pro-nucléaire, des activistes écologistes, la font douter. Elle se retrouve en tenailles, acculée, menacé d’arrestation par un mandat international pour la décourager de se lancer dans un combat auquel elle croit. Mais les choses ne se passeront pas comme ses détracteurs s’y attendent.

Catherine Fradier nous dépeint une femme de courage qui, arrivée à l’âge mûr, ne renonce pas et se bat de plus belle. Elle ne renoncera donc pas à ses convictions, elle se battra pour renouer avec son fils, elle se laissera tomber dans les bras d’une histoire d’amour et, surtout, elle jouera un rôle majeur dans une crise terrible : une menace terroriste qui a choisi une arme redoutable, le nucléaire. Car ce roman policier utilise comme toile de fond les problématiques écologiques et nous montre les dangers qui pourraient nous menacer si davantage le terrorisme - quel qu’il soit - s’emparait du sujet nucléaire. Il nous montre également, hors intentions de nuire, que cette technologie vieillissante nous menace de l’intérieur. Est-ce un choix toujours pertinent ? Ne faut-il pas se tourner vers d’autres technologies intermédiaires avant de trouver des solutions 100% énergies renouvelables ? Est-il toujours pertinent de financer à fonds perdus l’ITER ? Beaucoup de questions se posent et ce roman nous incite, entre deux rebondissements, à y réfléchir.

J’ai lu ce roman en une semaine, je vous le recommande donc vivement !



Editeur : Au diable vauvert
Date de parution : 23/03/2017
EAN papier : 9791030701029 - Prix TTC : 20 euros
460 pages