dimanche 27 août 2017

"Hiver à Sokcho" d'Elisa Shua Dusapin



Passer un hiver à Sokcho, station balnéaire coréenne à la limite de la frontière avec la Corée du Nord, tel est le projet de Yan Kerrand, Normand de son état et dessinateur de bandes dessinées de métier. Vivre quelques semaines dans cette ville, à cette période de l'année, ce serait comme aller à Deauville en plein mois de février, alors que les cafés sont fermés, que les portes des petites cabanes battent au vent et que le ciel se déverse sur la ville. Yan recherche pourtant cette tranquillité, cet abandon, pour donner vie à son personnage d'archéologue voyageant aux quatre coins du monde. Solitaire, il rencontre pourtant la narratrice de ce récit hors du temps, chargé de l'entretien et de la cuisine dans une petite et très modeste pension de la ville. Née d'un père français qu'elle n'a jamais connu, désœuvrée dans cette ville désertée, écartelée entre sa mère qui lui demande beaucoup d'attention et son fiancé qui rêve d'une carrière de mannequin à Séoul, elle est tout de suite intriguée par cet homme solitaire, qui refuse de manger ses plats alors qu'il a payé la demi-pension, qui lui demande d'être son guide, qui l'invite à déjeuner, qui semble lui accorder de plus en plus d'attention. Elle l'épie par sa porte toujours entrouverte, déplie les feuilles de papier froissé jetées dans la poubelle, étudie les tâches d'encre rageuses qu'il déverse parfois sur un mystérieux personnage féminin qui ne semble par trouver grâce à ses yeux. Elle semble commencer à se rêver en muse. Elle s'installe dans la chambre à côté de la sienne... 

L'auteure crée une atmosphère en suspension, faite de petits gestes, de regards, d'indécisions. Le temps de leur rencontre ne dure que quelques semaines mais la tension monte subtilement et l'on se prend au jeu des pronostics lorsque tout semble s'accélèrer, lorsque son personnage de BD se décide enfin à se coucher sur du papier et que l'on sent que le séjour de Yan risque de prendre fin. C'est un joli texte, poétique, très subtil. Une lecture douce.



Editeur : Zoé
Date de parution : août 2016
EAN papier : 9782889273416
59 pages

vendredi 25 août 2017

"Voyage avec un âne dans les Cévennes" de Robert Louis Stevenson



Stevenson est un personnage célèbre en Cévennes pour les sentiers qu'il a parcourus à la toute fin du dix-neuvième siècle. Les randonneurs suivent ses pas depuis lors et j'ai moi même fait quelques petits fragments de son parcours. J'ai donc eu envie de lire son récit pour comprendre cet engouement !

C'est un petit texte d'une soixantaine de pages retraçant les différentes étapes de l'écrivain écossais qui s'est mis en tête de traverser les Cévennes à pied. Il se lance ce défi et prévoit dès le départ d'en garder la trace sur les pages de son carnet. La curiosité qu'il suscite dans le village où il prépare son expédition montre le côté inédit de ce projet alors qu'il nous paraît, aujourd'hui, à la frontière du banal. Il décrit ainsi au fil des pages les paysages, de jour et de nuit, les personnes rencontrées plus ou moins collaboratives, des enfants blagueurs aux moines ayant fait vœu de silence. Et tout le long l'ânesse Modestine accompagne ses pas. Loin de l'apprécier au début de son périple, il finit par aimer sa présence et verse une larme en se séparant d'elle à Saint-Jean-du-Gard.

Ce texte a quelque chose de déroutant que je n'arrive pas tout à fait à nommer. C'est peut-être le détachement que l'auteur a l'air d'éprouver vis-à-vis de ce qu'il vit. Ou la non communication sur ce qui l'a motivé à se lancer dans une telle entreprise. Quoi qu'il en soit les plus belles pages sont celles où il se plonge dans le mystère des Camisards. Foulant leurs pas, il se plonge dans leur mythologie, citant leurs noms, leurs spécificités, s'interrogeant sur ce qui les a motivé, s'enthousiasmant de leur hardiesse. En voici quelques lignes : 

" Ce sont les Cévennes par excellence : les Cévennes des Cévennes. Dans ce labyrinthe inextricable de montagnes, une guerre de bandits, une guerre de bêtes féroces, fit rage pendant deux années entre le Grand Roi avec toutes ses troupes et ses maréchaux, d’une part, et quelques milliers de montagnards protestants, d’autre part. Il y a cent quatre-vingts ans, les Camisards tenaient un poste là même, sur les monts Lozère où je suis. Ils avaient une organisation, des arsenaux, une hiérarchie militaire et religieuse. Leurs affaires faisaient « le sujet de toutes les conversations des cafés » de Londres. L’Angleterre envoyait des flottes les soutenir. Leurs meneurs prophétisaient et massacraient. Derrière des bannières et des tambours, au chant de vieux psaumes français, leurs bandes affrontaient parfois la lumière du jour, marchaient à l’assaut de cités ceintes de remparts et mettaient en fuite les généraux du roi. Et parfois, de nuit, ou masquées, elles occupaient des châteaux-forts et tiraient vengeance de la trahison de leurs alliés ou exerçaient de cruelles représailles sur leurs ennemis.

Vous aimez la randonnée ? Venez en Cévennes sur les pas de Stevenson avec son petit livre en poche !



Editeur : (libre de droits)
Date de parution : 1879
59 pages
A lire sur Youboox !