lundi 22 août 2016

"Confiteor" de Jaume Cabré

Ce roman est de la trempe des plus grands romans. Tel Anna Karénine, il pourrait se nommer Adrià Ardèvol. Il est d'une richesse folle, tant du point de vue des personnages, des époques traversées, des histoires qu'il raconte que des voix narratives, de la puissance d'évocation des pensées et du récit qui se fait en fil rouge. 

Confiteor est une très longue lettre rédigée par Adrià à la femme qu'il a follement aimé toute sa vie, Sara. Il lui raconte son enfance, auprès de son père passionné et entièrement dédié à l'étude des antiquités qu'il glanait dans l'Europe entière, de sa mère effacée face à son père et ne sachant pas défendre Adrià face aux velléités de son mari d'en faire le plus grand savant et le plus grand linguiste que la terre ait connu. Le petit Adrià aime apprendre des langues et veut faire plaisir à son père mais il se réfugie quand même dans son univers de cow-boy et d'indien aux côtés du shérif Carson et d'Aigle Noir, qui le conseillent au quotidien sur ce qu'il doit faire ou ne pas faire. Adrià grandit, apprend encore et encore et tombe bientôt amoureux de Sara, se désintéressant - un peu - de l'étude des langues et du violon. Mais elle va disparaître brusquement sans autre forme de procès et sans expliquer pour quelles raisons elle juge désormais Adrià infréquentable. Il lui raconte aussi, dans cette lettre fleuve la perte de son père, la rencontre avec sa demi-sœur, le prise en main du magasin d'antiquité par sa mère, l'enquête sur la mort de son père et sa grande amitié avec Bernat. À travers son récit nous traversons tout le XXe siècle, en passant par le fascisme, le nazisme et l'après-guerre mais nous traversons également le XIVe, le XVe, le XVIIe et le XVIIIe siecle. Nous suivons la vie d'un violon, fabriqué par Storioni, surnommé "le Vial" du nom d'un de ses propriétaires. Et à travers son périple nous rencontrons l'homme qui a trouvé le bois dont sera fait le violon, nous traversons le drame qu'a vécu sa famille, les circonstances exactes de la vente du bois, de la création du violon, de son premier acquéreur, du meurte qui s'en est suivi et de tous ses propriétaires jusqu'à Félix Ardèvol, le père d'Adrià. Nous rencontrons également, suivant le fil d'un tableau accroché dans la salle à manger de la famille Ardèvol, des moines et l'Inquisition espagnole. Dans la tête d'Adrià, tout fait lien et tout se mélange. Toucher un objet appelle une histoire. Parler de nazisme appelle l'Inquisition. Enquêter sur la mort de son père fait remonter le fil de l'histoire du violon. Et le récit épouse ces circonvolutions de la mémoire d'Adrià et de sa manière d'appréhender les choses et le monde. Tout se mélange mais tout finit par faire sens. Et en toile de fond le grand mystère de Sara, son drame - le drame juif du XXe siècle - et un amour infini. Bref, un grand roman.



Editeur : Actes Sud, collection Babel
Date de parution : mai 2016
EAN papier : 9782330064433 - Prix TTC : 12 euros

mercredi 17 août 2016

"La mort du roi Tsongor" de Laurent Gaudé

J’ai lu avec beaucoup de plaisir, il y a peu, Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé. Lorsque mon amie Bianca m’a proposé La mort du roi Tsongor, je me suis dit que je ne prenais pas beaucoup de risques à enchaîner deux romans du même auteur, tant j’avais eu de plaisir à lire le premier.

Là encore, ce texte est une épopée familiale, gravitant cette fois-ci autour d’un personnage central - le roi Tsongor - de son royaume et de ses enfants. Parti de rien, en rupture avec son père, Tsongor s’est battu encore et encore pour conquérir tous les territoires qui se présentaient à lui. De ses anciens ennemis, il s’est parfois fait des amis ; d’autres sont devenus ses ennemis pour toujours ; d’autres enfin, comme son fidèle serviteur, se sont mis à son service mais à la condition que, lorsque le moment sera venu, il pourra mettre fin aux jours du roi sans que celui-ci s’y oppose, afin de venger l’honneur de sa famille autrefois entièrement décimée par les armées de Tsongor. Devenu vieux, ce dernier cherche l’apaisement. Mais la paix est-elle possible pour un homme qui a passé sa vie entière à se battre ? Le conflit va de fait bientôt se présenter aux portes de la ville. Sa fille, promise en mariage à un prince voisin, beau, ténébreux et plein de caractère, va voir réapparaître un ami d’enfance, autrefois élevé comme un fils par le roi, à qui elle avait promis de s’unir lorsque leur puberté serait venu. L’enfant devenu homme rappelle la promesse et menace la cité d’une guerre terrible si elle n’est pas tenue. Le roi doit choisir entre la peste et le choléra car le prince voisin partira également en guerre si le mariage imminent n’a pas lieu comme cela était prévu. Mais il ne veut choisir. Le fidèle serviteur, quant à lui, sait que l’heure est venue de venger sa famille ; il le dit au roi. Avant que tout ne bascule, ce dernier charge son plus jeune fils d’ériger 7 tombeaux dans tous les coins du royaume qu’il a passé son existence à bâtir et de choisir celui où sa dépouille devra reposer. Dès le lendemain à l’aube, son fils part sur une mule à la recherche du lieu idéal. Il laisse derrière lui cette cité qui sera bientôt le lieu d’un siège sans fin. Sans comprendre d’abord pourquoi son père l’a chargé d’une telle mission, frustré de ne pas rester combattre auprès de ses frères et de sa soeur, le plus jeune fils - au fil de ses rencontres - comprendra bientôt qu’il s’agissait d’une véritable chance.

Quoi qu’il en soit, ce roman se lit d’une traite, avec beaucoup de plaisir. Les personnages sont forts et dignes ; l’écriture est épique, élégante et intense ; le tout est à lire lors de votre prochain voyage en train.




Editeur : Actes Sud, collection Babel
Date de parution : janvier 2005
EAN papier : 9782330028107 - Prix TTC : 6,60 euros