mercredi 9 avril 2014

"Réparer les vivants" de Maylis de Kerangal

Simon Limbres est jeune. Parents séparés. Bougon comme peut l'être un adolescent. Mais il aime. Juliette d'abord qu'il a vaguement présenté à ses parents, Marianne et Sean. Le surf ensuite, à un point tel qu'il est prêt à se lever à l'aube pour rejoindre ses camarades en bas de leur immeuble et s'engouffrer dans leur van puis dans les vagues à l'orée du week-end.
Réparer les vivants nous parle du cœur, des poumons et du foie de Simon. Il nous parle du vertige qui saisit Marianne et Sean lorsqu'ils apprennent que leur fils est mort bien que sa poitrine se soulève encore au rythme régulier de l'assistance respiratoire ; vertige qui saisit Alice, l'interne de Versilio, lorsqu'elle voit Simon juste après les prélèvements non pas comme un corps mort mais comme une personne qui a vécu, somme de moments de joie et d'anecdotes ; vertige qui saisit le médecin de service lorsqu'il comprend que le choc de l'accident a été trop fort et qu'il ne pourra réveiller Simon.
Maylis de Kerangal innonde son texte, baigne les acteurs de cette histoire - parents, enfants, amis, médecin urgentiste, infirmière, chargé de coordination transplantation, référent transplantation, médecin du coeur ou encore médecin hépatiste - d'humanité. En évoquant des morceaux de vie de toutes ces personnes qui évoluent autour de ce moment de vertige, autour de cette béance inimaginable, celle d'une frontière floue entre la vie et la mort, elle rend cette cérémonie du passage, celle que l'on imagine guère, encore moins que l'on envisage de perdre un proche, possible.
Si l'on vit un jour cette situation, peut-être que nous ne verrons pas de la même manière les soignants, les médecins et les coordinateurs qui non seulement nous annoncent l'impensable, la mort d'un proche, mais nous demandent l'impossible, autoriser le prélèvement de certains organes. Ce texte nous montre toutes les étapes, tous les rouages si bien huilés de la transplantation d'organes, nous fait survoler la France du donneur au receveur, d'une famille en deuil à une autre pleine d'espoir en l'avenir.
Les mots de Maylis de Kerengal sont denses, ses phrases sont charnues. On pourrait percevoir dans un premier temps une forme d'accumulation, peu aisée à aborder. Mais bientôt cette accumulation parvient à dire cet indicible, tourne autour des sensations ressenties, des chocs qui raisonnent, pour mieux les dire par de multiples fragments qui sont autant de miroirs réfléchissant les multiples facettes de cette histoire humaine.
Chapeau.



Editeur : Verticales
Date de parution : 2 janvier 2014
EAN : 9782070144136
Prix : 18 euros (grand format)

1 commentaire:

  1. Décidément, les lecteurs sont unanimes ! Il va vraiment falloir que je le lise !

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